Rappel succinct du contexte historique
On est en 1940. Est-il nécessaire de rappeler quelques éléments factuels indiscutables au moment où Jean Mamy, écrit ses premiers articles ?
- Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne.
- Le 26 septembre 1939, le gouvernement Daladier promulgue une loi de dissolution du Parti communiste français.
- Le 10 mai 1940, l’offensive allemande commence par l’invasion de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas. C’est le début de l’Exode qui entraînera tant de Flamands, de Wallons et de Français à fuir vers le Sud.
- Le 17 mai 1940, le Président du Conseil, Paul Reynaud, nomme Philippe Pétain Vice-président du Conseil.
- Du 25 mai au 3 juin 1940, les quelques divisions britanniques censées être venues en renfort de leur allié français se replient en réembarquent à Dunkerque où elles étaient encerclées.
- Le 14 juin 1940, les armées allemandes atteignent Paris.
- Le 16 juin 1940, Philippe Pétain est appelé, par le Président de la République Albert Lebrun, à remplacer Paul Reynaud, démissionnaire.
- Le 17 juin 1940, le Général de Gaulle, secrétaire d’État à la Défense, partisan de la poursuite de la guerre, quitte la France et s’installe à Londres.
- Le 22 juin 1940, le gouvernement français signe l’Armistice avec l’Allemagne.
- Le 3 juillet 1940, la marine britannique attaque la flotte française stationnée dans la rade de Mers-el-Kébir ; 1 380 marins français périssent.
- Le 10 juillet 1940, l’Assemblée Nationale (réunion de la Chambre des Députés et du Sénat) au travers d’un article unique : « donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie. Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées. La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’État. »
Sur 649 suffrages exprimés [1] :
- 80 parlementaires (57 députés et 23 sénateurs) votent « non » ;
- 569 approuvent et votent « oui » ;
- 20 autres parlementaires s’abstiennent (dont 3 après une demande de rectification de leur vote).
- Le 13 août 1940, vote de la loi sur les sociétés secrètes (interdisant notamment la franc-maçonnerie)
- Le 3 octobre 1940, vote de la première loi portant sur le statut des Juifs ; elle sera remplacée par celle du 2 juin 1941, puis complétée par celle du 6 juin 1942.
[1] Le 10 juillet 1940, le parlement comptait 846 membres sur les 907 députés et sénateurs de 1939. Seuls 670 prennent part au vote (425 députés et 245 sénateurs ; en effet, 176 parlementaires sont absents, dont 27 sont à ce moment-là en mer voguant vers Casablanca sur le paquebot Massilia ainsi que « 17 parlementaires décédés et un grand nombre se trouvant, à cause de la guerre, dans l’impossibilité de rejoindre Vichy ou ne souhaitant pas s’y rendre ». La séance est présidée par Jules Jeanneney (qui ne prend pas part au vote en raison de sa fonction). Les 61 parlementaires communistes déchus de leur mandat depuis 1939 (60 députés et un sénateur) ne peuvent siéger.
Jean Mamy s’engage
Compte tenu de ces constats et de ses convictions, quels rôles pouvait donc jouer le cinéaste Jean Mamy, Vénérable franc-maçon « défroqué » sinon s’engager contre ceux qu’il estime en être responsables?
Voici ce qu’il écrit dans son Testament politique, « Vers l’Altruisme autoritaire », rédigé en janvier 1949 dans sa cellule de Fresnes après sa condamnation à mort, le jour de Noël 1948 :
« Comment un libéral (je l’étais jusqu’à 1936 et quasi-officiellement jusqu’à 40) peut-il céder à l’idéologie autoritaire ? C’est ce que se demandent avec curiosité stupéfiée les malheureux esclaves de l’Utopie qui tentent de faire fonctionner péniblement la vétuste machine républicaine, remise debout pour quelques heures dans l’euphorie victorieuse de 1944.
Était-il un traître pour nous quitter si vite ? Ou un fou comme le prétendent cinq psychiatres de service ?
Pas un de ces puissants cerveaux qui furent mes amis (je parle des francs-maçons parisiens) ne songe une seconde à examiner sa propre conduite et à penser qu’il serait fort possible —vu le chaos actuel— que le libéralisme et ses sous-sbires français se soient un peu trompés.
Le républicain au pouvoir se fâche plus rouge que son drapeau dès qu’on prétend toucher au régime des pourvus de gauche (régime qui est à la fois religion et prébendes —celles-ci d’autant plus acceptables que la contrepartie ne comporte que des devoirs verbaux). Mais les mensonges officiels tant plus haut proclamés qu’ils sont fragiles, n’étoufferont pas à la longue la voix de la simple vérité.»
Au moment où les Allemands envahissent la France, Jean Mamy a donc pris position et son engagement politique va devenir total. Il est sans nul doute anti franc-maçon, anti-communiste, anti-anglo-saxon, anti-juif, anti-capitaliste, anti-polytechnicien, anti-soviétique, anti-bolchévique, anti-républicain, anti-parlementarisme, anti-démocrate…
Mais il n’est pas « anti-tout » : il est pour l’Ordre Nouveau, pour l’Europe continentale, pour la Collaboration avec l’Allemagne sous l’égide du Maréchal. Français déçu par le parlementarisme de la IIIème République,