Vendredi 25 mars 1949
Ma chérie,
J’ai vu Leroy. J’ai très bonne impression. Au point que cet après-midi, tout détendu, j’ai baguenaudé dans mon préau au soleil pendant trois heures. On ne marche pas très vite avec les chaînes, mais il faisait bon —et j’étais si calme. Il y a même longtemps que je n’avais pas éprouvé tant de paix.
J’ai bien reçu ta bonne lettre. Je pense comme toi. Il me semble que l’expérience est finie et que nous allons pouvoir repartir d’un bon pied. Ce qui est fini, c’est la menace, la crainte, la ténébreuse aventure. Ce qui commence c’est l’action dans la pureté et la joie de vivre. Comment puis-je te dire ces choses sans attendre la décision. Mais de toutes façons ces choses sont vraies. Il n’y a pas d’autres réalité. Tu ne peux savoir comme tout à coup, cet après-midi, j’ai été libéré de tout souci. Tout le passé est parti d’un coup comme un nuage qui fond. Et l’on s’étire, tout surpris d’être heureux de sa délivrance.
Ne parlons pas trop vite. Au plan où je suis, rien ne peut m’arriver.
Je vais me coucher parce que désireux de dormir après tant d’heures tendues. Et je vais dormir la tête sur ton épaule.
A demain chérie. Je t’écrirai longuement.
J.