Alerte aux anti-maçons !

Le dernier décret concernant les sociétés secrètes n’a pas manqué d’attirer l’attention de tous ceux qui s’intéressent, avec ou sans passion, aux questions maçonniques. Les inquiets se sont posé diverses questions : « Que veut dire ce décret ? Est-il destiné à favoriser certains maçons influents que les lois rigoureuses sur les sociétés secrètes ont atteints et qui veulent récupérer les situations perdues ? Est-ce le commencement d’un « dédouanage » de la maçonnerie ? Le moyen par lequel on arriverait peu à peu à adoucir, puis réformer, puis supprimer, les mesures prises contre les maçons, en s’appuyant au début sur les quelques cas spéciaux de deux ou trois braves bougres restés honnêtes dans la secte, ou de quelques fonctionnaires malins et dont la conversion ne fut que spectaculaire ? ». On est en droit de se demander où on veut en venir.

Mais puisque nous avons confiance dans le gouvernement qui, de bonne volonté, cherche à apaiser, à concilier, croyons plutôt, et admettons avec respect et obéissance, qu’il s’agit d’une opération politique destinée à rétablir dans leurs fonctions un certain nombre de citoyens autrefois nocifs qui se sont ralliés sincèrement à l’ordre nouveau. Attendons les noms pour en juger plus avant. Posons toutefois des considérations de principe dès aujourd’hui.

Pierre Laval est avisé et sage. L’expérience des hommes — et plus particulièrement ceux de l’ex-régime républicain— l’induit à penser qu’il faut utiliser en politique des forces différentes pour arriver à établir « grosso modo » un équilibre suffisant entre les partisans acharnés à se détruire. La maçonnerie, responsable de beaucoup de nos malheurs (elle partage cette responsabilité avec bon nombre d’autres clans dits « nationaux »), avait, depuis deux ans, supporté les foudres de la presse et de la vindicte publique. Rien de plus normal. Les combattants de 39-40 qui se sont trouvés sans armes devant les tanks, n’oublient pas les discours démagogiques d’avant-guerre, les campagnes des loges, l’antifascisme militant des obédiences, leur collusion avec la juiverie, leur abêtissement antieuropéen. De quelque côté qu’on se tourne sur l’horizon politique, on ne voit que maçonnerie incendiaire. Le bellicisme des francs-maçons est on ne peut plus démontré. En France, Paul Perrin et sa clique, les antifascistes de la guerre d’Espagne, et de la loge « Plus Ultra », les anti-hitlériens de la loge « Agni », les acharnés de la loge « l’International » ou des loges juives bondés de réfugiés autrichiens menaient le jeu. En Angleterre 500.000 francs-maçons, en Amérique 3.500.000 poussaient devant eux la France désarmée et pourrie pour défendre des idées démocratiques, les privilèges des milliardaires et le prestige des rabbins. C’est à la maçonnerie internationale, Roosevelt (32ème) en tête, que nous devons la guerre, et les relations de mai 1939 entre Bullitt et le F:. Groussier (33ème), président du Conseil de l’ordre du Grand Orient de France, ne laissent aucun doute à cet égard. Nos griefs contre la maçonnerie sont donc graves. Les mesures prises jusqu’à présent n’ont été que trop générales et superficielles. Il fallait frapper durement à la tête les chefs, et faire le procès de la secte, en cour d’assises ou en cour spéciale. Il est vrai qu’après Riom on peut douter de l’efficacité des procès politiques.

La thèse des promoteurs du nouveau décret est qu’un certain nombre de maçons ont été frappés à tort ou qu’ils ont évolué : « on a vu, disent-ils, beaucoup de communistes se réveiller au nationalisme, beaucoup de conservateurs en venir au socialisme, pourquoi certains maçons ne se rendraient-il pas compte de leur erreur, ne répudieraient-ils pas publiquement leur passé ? Les expériences abondent de Français pour qui la défait a été une révélation de leur faute, de leurs imprudences, ou de leurs illusions naïves. Il ne faut pas rejeter dans l’opposition des enfants prodigues sincères qui, demain — espérons-le— seront peut-être les meilleurs combattants parmi la poignée d’hommes qui veut l’ordre nouveau ».

Toutefois, en gage de cette sincérité, les chefs des partis nationaux-socialistes (ou fascistes) français ont exigé de leurs troupes nouvellement converties une action décisive contre les partis antinationaux dont ils sortaient. Si les communistes viennent au nationalisme, c’est pour lutter par tous les moyens, et avec tous les risques que cela comporte, contre le communisme. La condition d’une levée d’excommunication contre d’anciens francs-maçons doit être la même. Bravos pour ces récupérés qui abusèrent la maçonnerie ; mais nous les attendons maintenant aux actes anti-maçonniques, actes d’autant plus importants et précieux qu’ayant la connaissance parfaite des procédés de la secte, ils sont à même d’en saisir les subtilités et de les combattre pied à pied. Ce sont des alliés nouveaux à accueillir d’enthousiasme pondéré de prudence s’ils se présentent sous le jour de combattants anti-maçons. Accordons leur crédit, sous réserve de vérification de leurs actes.

Car c’est bien ainsi — nous l’espérons du moins— que le gouvernement a envisagé ses mesures de clémence. Nous ne pensons pas qu’il veuille se laisser duper dans l’aventure et remettre au pouvoir de secrets suppôts du gaullisme ou de la maçonnerie, assez adroits pour s’être camouflés en révolutionnaires nationaux. Nous pensons au contraire que, dans sa sagesse, M. Pierre Laval a choisi tout spécialement ceux qui seraient capables de mener à bien une bonne besogne de dissociation de la secte. Il peut compter sur nous pour l’encourager, dans cette voie, de tous nos efforts. On ne saurait trop employer d’habileté pour vaincre les ruses de sauvages de nos damnés maçons.

Quel peut être le rôle des antimaçons déjà éprouvés qui voient, d’un œil objectif, se dérouler les opérations de conversions antimaçonniques ? La surveillance très exacte des individus ainsi réhabilités nous semble indispensable. Nous n’en sommes plus aux promesses, mais aux preuves. On nous a trop menti dans le passé pour que notre sensibilité ne soit pas en éveil constant. Les amis de ceux qui nous ont poussés à la débâcle ne nous sont pas chers. Il leur faudra rompre beaucoup d’amitiés, de préjugés, de préventions. Il leur faudra surtout ne pas tenir ce continuel discours dont on nous rabâche les oreilles depuis deux ans : « La maçonnerie ? Ce n’était pas aussi dangereux qu’on le dit ! Il y avait de braves gens à l’intérieur ». C’est faux. La maçonnerie était dangereuse comme la boue, comme les sables mouvants, comme le marais où l’on s’enlise, et les braves naïfs, à qui les aventuriers avaient tourné la tête, nous ont entraînés dans leur bain de glu.

Donc, tant mieux si les récupérés deviennent des assaillants de la vieille maçonnerie. Qu’ils frappent des coûts d’autant plus heureux qu’ils savent exactement où les porter. De même que quelques-uns des meilleurs anticommunistes sont des communistes repentis et réveillés à l’esprit national, de même, peut-être, certains des meilleurs antimaçons de demain seront-ils les dégoûtés des hypocrisies de la secte. Souhaitons qu’il soit nombreux et sincères.

Mais que de prudence dans le choix et que de surveillance de la part de ceux qui connaissent le danger de voir encore la maçonnerie opérer sur tous les tableaux secrets !

Nous souhaitons que notre méfiance soit injuste.

Paul Riche