La France sauvée par les mères ?

Une grande campagne de propagande s’ouvre en France pour la repopulation. Et ceci nous vaut l’occasion de reprendre bon nombre de nos arguments en ce qui concerne les femmes. Notre avant-dernier article : « La France tuée par les femmes », nous a valu une correspondance aussi nombreuse que variée. Les injures se mêlent abondamment aux approbations décidées. Laissons de côté le flot de bave rugissante qu’a déclenché une tirade un peu vigoureuse. Les criailleries ne nous font pas peur. Il y a ici de bonnes voix mâles pour hurler plus fort que le chœur des énervées déchaînées. Ces dames auraient voulu qu’on les flatte. Il paraît que nous ne sommes pas dans la tradition galante des bonimenteurs mondains. Eh ! Non. Ce qui nous intéresse, c’est la France de 1965, ne leur en déplaise. Elle vaudra ce qu’elles vaudront. Beaucoup, si elles procréent, peu si elles s’entêtent dans leur présente stérilité.

Car tout le problème tient en quelques mots : à la cadence actuelle des naissances, nous n’aurons plus que 29 millions d’habitants dans 50 ans. Il y en a que ces chiffres laissent indifférent. C’est qu’elles n’ont jamais ouvert un livre d’histoire, jamais regardé une carte d’Europe, jamais voyagé dans ce pays autrement qu’en goulue, affamé de cuisine. Un peuple qui meurt inconsciemment fait souffrir désespérément ceux qui l’aiment. Comment l’empêcher de mourir, d’être conquis si totalement qu’il disparaîtra sans doute du monde, alors qu’un sursaut peut le rejeter dans la bonne voie de sa destinée ?

Les deux ou trois femmes sincères qui nous ont écrit ont surtout demandé quels spécimens féminins nous avions rencontrés pour en avoir si triste opinion (bien entendu, les mères de famille nombreuse n’ont jamais été en cause, ni les filles sincères en passe de le devenir. Puissent-elles dépasser l’infime minorité actuelle). Mais pour les autres !… Eh ! Mesdames ! Nous voudrions ne point vous fâcher. Et pourtant, il faut encore vous dire des vérités premières. Ces spécimens féminins, nous les rencontrons à chaque pas, à chaque coin de rue, à chaque étalage de libraires, sur chaque scène parisienne, sur chaque écran de salles obscures. La grande majorité des femmes françaises s’est appliquée scrupuleusement à imiter dans la vie tous les fantoches de cinéma, de théâtre ou de roman dont les commerçants internationaux abreuvèrent la foule. Et comme les films furent juifs, bourrés de massacres, d’obscénités et de fadaises, que les pièces de nos dramaturges furent érotiques et scandaleuses, que les poupées de nos romanciers furent adultères ou refoulées, des générations de filles en sont passées par toutes les affres de la bêtise sentimentale ou sexuelle. Vous prétendez, Mesdames, qu’on vous insulte quand on vous reproche de n’avoir pas accompli votre destin humain. Accusez-en donc vous romanciers chéris, vos auteurs dramatiques et vos cinéastes préférés, qui vous ont dépeintes, traînées dans la boue, souillées, ridiculisées aux yeux du monde entier. Et reprochez-vous surtout, mesdames, de les avoir applaudis tant et plus, pendant des soirées et des jours, de les avoir couverts de bravos et d’or, de les avoir encouragés à vous manquer du plus élémentaire respect. Quand Bataille, Bernstein, Porto-Riche, Willy, Lavedan, Margueritte, Bourget, Mauriac et leurs successeurs de dixième ordre roulaient quotidiennement la femme française dans leur fange commerciale, vous n’avez pas protesté, loin de là ! Vous vous pâmiez aux revues idiotes et ridicules du Casino de Paris, aux grossièretés obscènes de vos clowns de quartier, de vos acteurs de vaudeville gras. Les chiffres de tirage des éditeurs le prouvent : plus le roman était intimement dévoyé, plus le romancier bourgeois recommençait avec force détails son histoire d’alcôve, plus on vendait à quatre sous ou vingt francs. Et quelle était, s’il vous plaît, la revue féminine lue, relue, juive, bête au-delà de toute expression, qui tirait à plus d’un million d’exemplaires ? « Marie-Claire » ! Et qu’achetaient toutes les semaines avec précipitation nos oies plus ou moins blanches pour se renseigner sur l’amour et la vie ? Un fascicule trouble : « Confidences » ! Et qui étaient les deux vedettes préférées du public féminin ainsi que le prouvent les statistiques ? Jean Gabin, qui incarnait le mauvais garçon, et Viviane Romance, les filles dites « de joie ». Perversion, sexualité fausse, mirages, tel était votre « fricot » spirituel hebdomadaire.

Par contre, montrez-nous le succès d’un roman ou d’un film vantant la maternité. Montrez-nous les preuves que vous préfériez l’enfant au cinéma, à l’auto, à la fourrure, à l’égoïste vie à deux. Prenez votre crayon, chacune, Mesdames, et veuillez noter, parmi vos connaissances, qui n’a pas d’enfant, qui n’en a qu’un, qui en a deux, qui en a davantage. Adressez-nous vos statistiques. Pour mon compte personnel, j’ai trouvé, parmi une centaine de noms choisis rapidement au hasard dans toutes les classes de la société, depuis le bistrot du coin jusqu’à l’industriel à 500 000 fr. par an, 70 % de ménages sans enfants. Il n’y a sur ma liste que trois couples qui aient respectivement 6,7 et 8 enfants. Je dois avouer immodestement, pour répondre à certaines basses injures, que ceux-là sont de ma propre famille qui, pour un couple de bisaïeuls, totalise déjà 27 arrière-petits-enfants. Il est vrai qu’elle est chrétienne, de souche paysanne, et qu’elle fut élevée dans le respect de la vie.

De l’enquête plus générale qui nous est adressée par les services du Maréchal, il résulte de que la solution du problème de la natalité n’est pas tant dans l’augmentation préalable du standard de vie que dans la foi en la vie. Il y a des peuples pauvres qui procréent et s’enrichissent de ce fait. L’Allemagne et l’Italie en sont la preuve. Il y a des peuples vieux et bourgeois qui tournent le dos à l’existence. On aimerait que la France ne fut pas de ceux-là. Pour cela, il faut redonner à la femme sa place, qui n’est ni à l’usine, ni au comptoir de vente, ni dans aucun métier, mais au foyer (un foyer prospère, naturellement, et bien alimenté. Pour ce, obligeons les trusts à se soumettre à l’État et multiplions les salaires). Il faut aussi —n’en déplaise à nos socialistes matérialistes francs-maçons, marxistes repentis, mais sans tomber dans un conformisme bien-pensant— que ce foyer ne soit pas athée, privé du sens de la Vie, de l’intuition de la survie de l’être, de la famille et de la race. Une femme qui n’est pas au moins triplement mère n’a pas accompli sa tâche. Dès lors elle sera le chef intime de ce foyer et son responsable. Il ne paraît pas drôle à l’égoïsme humain de sacrifier ses petites habitudes d’amusement stérile. Mais c’est une erreur de croire que la vie doive être drôle.

La vie est productive où elle n’est pas. Elle doit se renouveler, se perpétuer, se transmettre. Sinon, à quoi sert-elle ? Toutes les clameurs de nos perruches effarouchées, affolées d’amour de cinéma n’empêcheront pas les faits d’être éternellement ce qu’ils sont.

Quelques amis m’ont reproché d’avoir été brutal et de malmener des irresponsables. Il n’y a pas d’excuses à faire, mais des buts à atteindre. Pour me donner tort, mesdames, un seul moyen : faites des enfants !

Paul Riche

P.S. — j’ai reçu des lettres navrantes et confidentielles pour se plaindre de la muflerie des hommes. Elle n’est que trop fréquente. Nous en reparlerons.