Dimanche 9 janvier 1949
Mon chéri,
J’ai dîné hier soir chez ton ami Géranton. Nous avons donc, tu t’en doutes, toute la soirée, parlé de toi. Il ira, à nouveau, voir Leroy lundi. J’en suis très heureuse, car ils auront, j’en suis sûre, une conversation utile. J’ai également essayé de joindre Crey., mais depuis Noël, son téléphone ne répond pas. Je lui ai mis un mot jeudi dernier, le priant de se mettre en rapport avec Me Leroy. Il ne manquera pas, certainement, de le faire dès son retour. Et ses conseils nous seront précieux.
De toutes façons, nous ne t’oublions pas et nous arriverons bien à en sortir.
Je ne t’ai pas écrit cette semaine mais tu auras vu que j’ai travaillé pour toi dans le délai imparti. Me Leroy se proposait d’aller te voir aujourd’hui dimanche. J’espère qu’il n’aura pas eu d’empêchement. Ses visites doivent t’être très agréables. Il doit t’arriver bourré de nouvelles fraîches du dehors. Il finira bien par t’apporter la bonne nouvelle de ta grâce.
Nous aurons sans doute bientôt la réponse au pourvoi, car, dans ces affaires, ça va assez vite pour cette formalité, mais nous aurons après bien du temps devant nous, sinon pour présenter, tout au moins pour faire appuyer la demande de recours en grâce. Les dossiers ne s’étudient pas si vite.
Je reste en contact pour cela avec Me Leroy, mon jeune patron, tes amis, le petit homme du ciel et des amis à moi qui peuvent m’être utiles. La porte la plus verrouillée ne résistera pas. Et même celle de ta cellule s’ouvrira un jour pour te redonner la liberté.
Alors, nous prolongerons, si tu le veux, les trois minutes que, l’autre jour, tu as tant appréciées (il est vrai que, peut-être, tu ne les a tant appréciées que parce qu’elles n’ont duré que trois minutes…)
Tu ne me parles pas de Frédéric ? As-tu oublié ce bout d’chou ? Veux-tu bien vite, m’envoyer des baisers pour lui. C’est un ange.
JR
P.S. Je t’embrasse, Mon chéri. Raconte-moi comment tu vis et ce qu’on peut faire pour toi. Je déteste les histoires d’espionnage, de 2ème bureau, de double-jeu ou de Maquis, mais j’adorais te faire des colis et t’envoyer des fleurs. Il me semble que je commence à devenir inutile. Gros baisers.
JR
Je t’envoie un mandat demain lundi.