Dimanche 27 Mars 1949
Mon chéri,
Je ne sais pas comment tu peux supporter cette attente. Moi, je n’en peux plus d’impatience. Malgré tout l’espoir que je continue à avoir, je ne serai tout à fait tranquille que lorsque j’aurai la certitude d’une grâce.
Et je trouve bien cruel de nous laisser si longtemps dans cette affreuse incertitude.
Car sais-tu bien que je serais inconsolable si je devais te perdre ? Te rends-tu compte de la place que, depuis quinze ans, tu as pris dans mes pensées ? Dommage que je n’en aie pas pris autant dans les tiennes ! Le temps t’aurait manqué pour t’occuper d’autres choses et bien des inquiétudes nous auraient été évitées.
Mais, ne revenons pas en arrière. Et continuons à espérer. Cette journée de dimanche sera longue pour tous. L’absence de courrier est pénible (on ne peut être prévenus que par courrier) et demain lundi, par suite de la grève des facteurs, il n’y aura pas de distribution le matin (de 1ère distribution tout au moins). Et cela me privera de la joie de te lire avant de partir au bureau. Tu as dû certainement m’écrire vendredi. Je suis furieuse de cette grève des facteurs.
J’ai téléphoné à Me Leroy tout à l’heure. Il attend patiemment les prochains courriers. Il a bon espoir. Sa visite au président, la démarche faite, les bons éléments du dossier qu’il a mis en valeur, les réserves admises en raison des rapports (très important) donnent confiance. Mais que c’est long, Mon Dieu, que c’est long.
Il est vrai qu’il ne faut pas se plaindre de ce que la décision se fasse attendre. Si elle avait dû être défavorable, il me semble qu’elle aurait été rendue tout de suite, sans hésitation. Oui, plus elle tarde, plus j’ai confiance. Le cas est troublant, a-t-on dit. On l’étudie avec la plus grande attention. Il faut être patients.
Je t’embrasse comme tu le souhaites, de tout mon cœur, très tendrement.
JR
Je vais mettre cette lettre en pneu, pour tenter qu’elle te parvienne demain, malgré la grève.