Mardi 1er Février 1949
Mon chéri,
J’ai bien reçu tes lettres (hier celle de vendredi). Et ce soir, je suis allée bavarder un moment chez Me Leroy. Il t’aura vu mercredi matin et aura calmé tes craintes. Je crois que tu exagères la « haine » de tes adversaires et tu as tort de penser que certains cherchent à te « noircir » davantage (tu t’en es suffisamment chargé ; on ne pourrait guère faire mieux dans ce sens). Je ne sais pas d’où tu tiens ces bobards. Moi, je vois beaucoup de monde. Personne ne m’en parle. En tous cas, même si cela était, tu sais que nous sommes particulièrement bien placés et que nous ne manquerons pas l’occasion d’affirmer le contraire.
Me Leroy t’aura mis au courant de toutes les démarches qui ont, et seront faites, et des conversations intéressantes qu’il a eues. Voilà qui, à mon sens, vaut mieux que toutes les campagnes de presse (pour l’instant du moins). Et Me Leroy à qui j’en parlais tout à l’heure en lui montrant le dernier n° de l’Indépendance Française, partageait mon sentiment.
J’ai eu ce soir au téléphone ton ami Géranton qui m’avait appelée hier sans me joindre. Nous avons parlé longuement. Et je lui ai dit, moi, que tout allait bien. Parce que je trouve que tout va bien. Je dois dîner chez lui un soir de la semaine prochaine.
J’ai aussi téléphoné à ta mère qui avait reçu ce soir de bonnes nouvelles.
Je n’ai pas parlé à Me Leroy de la question compléments d’honoraires. C’est d’ailleurs une idée toute personnelle que j’avais eue. Je voulais simplement que tu saches que tu pouvais compter sur moi s’il y avait un effort à faire dans ce sens. Mais tu pourrais à l’occasion voir çà avec lui. Quels sont les usages ? C’est très vague… Mais au prix du kg de noisettes, je considère qu’il serait normal d’envisager la question, et cela, non pas pour le stimuler dans ses efforts et obtenir un meilleur résultat, mais tout simplement parce que les démarches qu’il fait, les visites qu’il reçoit, lui prennent une grande partie de son temps, et qu’actuellement, le temps coûte fort cher.
Je t’ai envoyé ton petit mandat hebdomadaire (j’ai quitté trop tard l’Avenue de Villiers [1] hier soir, pour aller à la poste. Je ne l’ai mis que ce matin). Si tu veux que je l’augmente, ne manque pas de me le dire.
Si Mr Mousset me téléphone, je m’empresserai de répondre le plus aimablement possible à toutes ses questions. Mais à vrai dire, je crois que ta mère est plus indiquée pour converser avec lui. Tu sais bien que la science et moi, ça ne va pas du tout ensemble.
Écris-moi, Mon chéri. Mais écris-moi des lettres plus gentilles que celle de Vendredi. Et n’oublie pas d’embrasser Frédéric. Il devient très raisonnable. C’est un ange.
Gros gros gros baisers.
JR
[1] Confirmation de la note de la lettre du 27 janvier : le cabinet de Me Chaumanet chez qui Jeanne Roux travaillait étant situé au 47 avenue de Villiers (note de FGR)