Confession de Jean Mamy (1er octobre 1944)

Afin que sa femme, Barbara et sa mère soient remises en liberté, Jean Mamy se rendit le 23 septembre 1944 au groupe de F.F.I. du Commandant Cambon auprès duquel il fit volontairement une longue confession où il explique les raisons de son engagement politique, puis les conditions qui l’ont conduit à collaborer avec les Allemands :

« Il faut ici que j’affirme une fois pour toutes que pas une minute pendant ces quatre années je n’ai eu le sentiment de trahir la France en travaillant avec les Allemands, même pendant la période la plus dure. Je n’ai comme souci que le bien de mon pays. Il était vaincu. Il lui fallait retrouver sa place par la collaboration, mais une collaboration saine et non celle qu’on nous a offerte.
   C’est là où il faut m’expliquer longuement : l’Allemagne a eu vis-à-vis de la France une politique peut-être loyale au début mais lamentable dans l’ensemble. Deux courants se dessinaient : celui du parti National-Socialiste, celui de l’Ambassade. Cette dernière traitait avec tous les pourris de la collaboration, Luchaire, Déat, Laval, etc…). Elle refusait le contact avec la France réelle, avec l’Armée Française. Il y avait un fossé que les Anglo-Américains s’acharnèrent à élargir.
D’autre part les S.S. me semblaient sincèrement des hommes propres du régime. Je parle en toute loyauté. Tant pis si je me trompe. Je dis ce que je croyais.
Entre l’Angleterre démocrate (régime faible), la Russie soviétique (épouvantable monstre), la France de Vichy (réactionnaire et sans efficience) et le fascisme européen, que pouvait faire un français épris de socialisme autoritaire, d’amour de sa patrie ?
S’accorder avec ceux qui, ennemis de la veille peut-être, représentaient l’idée juste. »

Il décrit ensuite par le détail la quinzaine d’affaires sur lesquelles il a  enquêté :

«   Je crois avoir été responsable en tout en deux ans de quinze arrestations au maximum (voir plus loin pour d’autres arrestations) parmi lesquelles je revendique toutes celles des communistes car j’ai cru servir mon pays.
   Pour les autres, elles sont malheureuses, mais ces hommes d’autres nuances étaient les alliés des communistes. C’est pour cela que je me suis battu contre eux.[…]
   Si j’ai lutté, non pas seulement par la plume, mais efficacement, c’est que le seul métier de journaliste me semble scandaleux en temps de guerre.
   J’ai vécu pendant quatre années sous les lettres d’injures et de menaces de mort. Je n’ai jamais répondu, mais quand j’ai vu mes camarades tomber sous les balles, j’ai tâché d’arrêter les agresseurs.
Je n’ai pas conscience d’avoir dénoncé quelqu’un. […] J’ai donné des renseignements à des amis politiques : les S.S. que je ne peux arriver malgré les préjugés à considérer comme des ennemis de la France. Je crois qu’on s’est trompé des deux côtés. Il y avait des possibilités d’entente, les politiciens Laval, Abetz, Déat… ont fait tout le mal, les mitrailleurs ont fait le reste.»

Confession de Jean Mamy, dit Paul Riche, dit Jean Dumas, faite le 1er octobre 1944 issue du dossier n°611334 consulté aux Archives Nationales, saisi et mis en page par Frédéric-Georges Roux

1944 10 01 Confession Jean Mamy