Jean Mamy pamphlétaire

En 1941, Jean Mamy, simple journaliste français, est alors en phase, même s’il s’exprime avec une violence épistolaire forte, inimaginable aujourd’hui, avec un grand nombre des quarante millions de pétainistes, voués corps et âme à leur « sauveur », défaits militairement, plus ou moins anglophobes, antisémites et anti-francs-maçons, aussi inquiets du pacte germano-soviétique que des risques d’un potentiel envahisseur bolchévique.

J’ai retrouvé un grand nombre des articles signés par mon père. Ils sont souvent d’une virulence extrême et d’une violence parfois intolérable. On imagine pas que de tels propos puissent être tenus et encore moins imprimés aujourd’hui, à l’heure où le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie sont devenus illégaux et où le « politiquement correct » et la « pensée unique » ont anesthésié tous les propos à l’exception des « petites phrases » ou des « bavures », souvent anodines ou humoristiques qui soulèvent des tollés et valent à leurs auteurs des remontrances, des procès, voire des condamnations.

Et pourtant, aussi surprenant que ce soit, ces articles, son antisémitisme flagrant et insoutenable, et même son anti-maçonnisme ne seront pas, comme on peut le constater dans la partie du site consacrée à son procès, des motifs qui lui seront reprochés, ni même souvent évoqués lors de celui-ci et encore moins qui justifieront officiellement sa condamnation à mort, le rejet de son recours en grâce et son exécution.

Jean Mamy, antisémite de plume

Le texte qui suit est extrait de l’ouvrage de Michaël Lenoire, Antisémitisme de plume (1940-1944) – Études et documents, réalisé sous la direction de Pierre André-Taguieff (Berg, 1999).

Paul Riche (Jean Mamy, dit)

[…] Peu d’informations nous sont parvenues sur sa vie et sa carrière avant la Seconde Guerre mondiale. […] Pas­cal Ory précise que « ce dernier, naguère acteur chez Dullin, avait été un monteur de quelque réputation mais un réalisateur médiocre ». À l’occasion, il écrit des articles à tendance politique dans La Flèche de Gaston Bergery, hebdomadaire du Front social puis du Parti frontiste, dans lequel les « bellicistes » et les « oligarchies financières » sont fusti­gés. […]

Les activités de Jean Mamy, devenu Paul Riche sous l’Occupation, of­frent deux facettes. Publiquement, c’est l’une des plumes, sinon la plume, les plus féroces en matière d’anti-sémitisme et d’antimaçonnisme. Sa frénésie s’exprime sans retenue dans les colonnes de l’hebdomadaire L’Appel de Pierre Costantini. Cette feuille est la concurrente directe d’Au pilori, qui a pourtant fait de l’antisémitisme sa raison d’exister. Il n’est donc pas surprenant d’y retrouver régulièrement la signature de Jean Mamy, sous le pseudonyme de Paul Riche ou celui de J.-M. Renan, au bas d’articles d’une rare violence. Celui intitulé « Mort au Juif ! » demeure un morceau d’anthologie de la haine. Mais c’est à L’Appel, dont il dirige pendant un certain temps l’équipe rédactionnelle, qu’il exprime le mieux ses idées. II accorde à ce journal la primeur de ses informations sur la Synarchie qui devient peu à peu son thème favori. Paul Riche et le directeur de la publication, Pierre Costantini, évitent de justesse l’incarcération, à la suite du mandat d’arrêt demandé par le ministre de l’Intérieur, Pierre Pucheu, qui se sent visé par l’article consacré à cette prétendue société secrète. Paul Riche est un adepte de la théorie conspirationniste qu’il alimente par son antisémitisme obsessionnel. Il aborde avec le plus grand sérieux, par exemple, « le problème des sociétés capi­talistes françaises des Templiers à la Synarchie » au cours d’une confé­rence au Cercle aryen en janvier 1944.

Il lui arrive d’accorder des articles à des périodiques amis comme Les Documents maçonniques ou Le Cri du peuple. Mais il profite aussi de son passé dans les milieux cinématographiques pour réaliser le film de propagande antimaçonnique Forces occultes — qui use également des clichés les plus communs de l’antisémitisme— avec une subvention alle­mande de 1.200.000 francs. Le scénario est d’un autre ancien franc-­maçon, Jean Marquès-Riviére.

Paul Riche intègre sans difficulté le milieu fermé et sélectif des pro­pagandistes de l’antisémitisme et de l’anti-maçonnisme dans Paris occu­pé. Il fait partie, entre autres, de l’Association des journalistes antijuifs (A.J.A.). Étranger à la naissance de la Commission d’études judéo-­maçonniques (C.E.J.M.), il y est néanmoins reçu pour sa conférence le 15 janvier 1943 sur « les slogans maçonniques depuis 89 ». Il est réguliè­rement invité aux déjeuners de cette Commission, comme celui du 29 octobre 1942 qui fête le numéro spécial du Weltkampf(Combat mondial) sur la question juive en France. Il se consacre pourtant davantage au Cercle aryen, dont il préside la commission de la presse. C’est un mem­bre assidu de son conseil d’administration. L’omniprésence qu’y exerce « son ami de lutte », Gueydan de Roussel, conforte l’intérêt que porte Paul Riche à ce cercle ultra-collaborationniste. Il est présent au déjeuner du 11 décembre 1943 consacré aux signataires de l’« Appel des intellec­tuels français contre les bombardements aériens des populations civi­les ». II finit par s’imposer comme une référence en matière d’antisémitisme et se trouve parmi les membres du jury du Prix Edouard Drumont à l’occasion de la commémoration du centenaire du « pape de l’antisémitisme » en mai 1944. Il est convié au grand repas offert dans les salons du Cercle aryen le 5 du même mois.