1939-1940 ; la drôle de guerre
Ces quelques mois d’inaction en uniforme, qu’il décrit dans « Le Monde dans la nuit, fragments de carnets, 1939-1940 », sont un facteur incontestable de l »évolution radicale de ses opinions qui conduira à son engagement politique pendant l’Occupation, puis, dix ans plus tard, à son exécution.
Européen convaincu, déçu par le parlementarisme de la IIIème République, il constate la victoire de l’Allemagne et il accepte —comme presque la totalité des Français d’alors— le rôle auquel le Maréchal Pétain est appelé par le Président de la République, par le peuple et par le parlement.
Lui aussi —comme ceux qui sont partis à Londres, mais avec un autre idéal— est mûr pour agir. Il est mûr pour construire une Europe continentale solide, capable de résister au bolchévisme. Il est mûr pour s’engager. Il est mûr pour collaborer.
de 1941 au 23 septembre 1044
Au cours de ces quatre années « noires » Jean Mamy agira de trois façons principales :
- Journaliste engagé : doué d’une plume bien aiguisée, trempée dans l’acide, Jean Mamy écrira principalement sous le pseudonyme de Paul Riche, de violents pamphlets dans les journaux collaborationnistes tels que Je suis partout, L’Appel et surtout Au Pilori, le plus violent des hebdomadaires antisémites et anti-maçonniques, dont il deviendra l’un des principaux rédacteurs en chef. .
- Cinéaste : il réalisera en 1942 Forces Occultes, film de propagande anti-maçonnique dont le scénario a été écrit par Jean Marquès-Rivière.
- Agent du S.D. : il se mettra au service de l’occupant et contribuera à la traque et à l’arrestation de « terroristes » communistes, ce qui sera au cœur des griefs qui le conduiront à sa condamnation à mort.
Dénonciation de la Synarchie
En 1941, dans L’appel, Jean Mamy sera le premiers à dénoncer publiquement le complot synarchqiue.
Attaque des Francs-maçons
Sous le pseudonyme de Paul Riche, il sera l’une des plumes les plus virulentes pour dénoncer les francs-maçons et la « juiverie financière », notamment dans de nombreux articles parus dans L’Appel ou dans Au Pilori.
Lutte contre les « terroristes » communistes
Autant ses activités de presse et de cinéma apparaissent au grand jour, autant ses activités au service de l’occupant restent entachées de mystères et de secrets que je n’ai pas encore complètement percés, en dépit des nombreux documents publics, privés ou retrouvés aux Archives Nationales dont je dispose, notamment :
- la confession volontaire dans les jours qui ont suivis son arrestation,
- différents procès-verbaux d’audition et de témoignages recueillis par la police au cours des enquêtes en vue de son procès,
- les éléments du réquisitoire du Commissaire de la République,
- un mémoire manuscrit qu’il a rédigé en prison destiné à son avocat .pour obtenir la grâce présidentielle,
- quelques coupures de journaux datant de l’époque du procès, relatant quelques un des faits les plus marquants,
- le rappel des faits figurant dans son testament politique (Vers l’Altruisme Autoritaire) rédigé après sa condamnation à mort.
J’ai essayé, à partir de ces documents de retracer la petite douzaine d’affaires qui lui ont été reprochées dans un « Dossier à charge et à décharge ».
Perquisition la veille de sa reddition chez ma mère (boulevard Diderot)
Ma mère, Jeanne Roux, qui venait de me mettre au monde le 23 juillet 1944, avait été identifiée comme « liée » à Jean Mamy. Sa liaison —dont j’ignore depuis quand elle datait et quelles formes visibles elle avait prise — était connue de la Résistance. Son adresse du 76 boulevard Diderot figurait clairement dans un des procès-verbaux de recherche comme étant une des adresses de Jean Mamy.
Elle relate dans un document daté du 16 octobre 1944, comment elle a été amenée à restituer le 22 septembre, veille de la reddition de Jean Mamy, des objets et des valeurs appartenant à Jean Mamy, lors d’une perquisition effectuée à son domicile du boulevard Diderot.
Toujours est-il qu’elle n’a pas été considérée comme « complice » car, à ma connaissance, elle n’a guère été plus inquiétée que lors de cette « visite » du 22 septembre et n’a pas eu à subir les brimades sauvages infligées aux « collaboratrices horizontales » (les tondues).
23 septembre 1944 : Jean Mamy se constitue prisonnier
Peu après la Libération, alors qu’il était recherché, les F.F.I. ont arrêté sa femme, Barbara et sa mère, Jean Mamy s’est volontairement constitué prisonnier afin qu’elles ne soient pas inquiétées, ce qui leur a permis de retrouver la liberté.
Il a été interrogé par le Commandant Denis Champeaux de la Boulaye, dit Cambon, (cf. le témoignage recueilli le 11 septembre 1945 par Maurice Bailly, inspecteur de Police) et incarcéré immédiatement à la prison du Cherche Midi, puis à Fresnes.
Le document d’accompagnement des confessions de Jean Mamy établi par le Commandant Cambon, liste les 13 affaires qui vont faire l’objet de son procès :
« Au surplus voici des arrestations de Français exécutées par l’autorité allemande sur les dénonciations de Dumas, alias Mamy, qui revendique sa responsabilité d’accusateur, en se couvrant du titre de lutteur contre le communisme.
- à Lyon – affaire Dunoir, Lebossé fut arrêté
- à Bordeaux – Arrestation Dujour
- à Valence – Robert Meyer
- à Amiens – Goutier
- à Harparren – quatre arrestations (couvent)
- à Paris – arrestation de Borrel
- à Paris – arrestation de Jarville secrétaire général du Syndicat du Cinéma
- à Annecy – Sur désignation par Mamy de Andrès et Buisson, ce dernier fut tué dans une embuscade
- à Paris – Arrestation de Jean Paul – fusillé
- à Paris – Arrestation du Général Michaud – prisonnier en Allemagne
- Frontière d’Espagne – arrestation de Sanson et X
- à Paris – Arrestation de Guilhamon possesseur d’un émetteut TSF
- à Paris – Arrestation de Fred. »
23 septembre 1944 – 29 mars 1949 : de la cellule au poteau
Son incarcération « préventive » durera 4 ans jusqu’au procès. Il sera condamné à mort le jour de Noël 1948. Mis aux fers, il attendra 3 mois une grâce présidentielle qui lui sera refusée. Il l’apprendra officiellement le matin de son exécution, le 29 mars 1949.
Le Compte-rendu laconique du directeur de la prison précise :
- 6h05 : Signature au Greffe de la prise en charge du condamné
- 6h10 : Réveil du condamné qui est avisé du rejet de sa grâce ; il demande le Pasteur, puis est autorisé à écrire une lettre
- 6h48 : le condamné quitte la prison de Fresnes
- 7h05 : Il est fusillé au Fort de Montrouge, ses restes sont ramassés
- 7h25 : Il est inhumé au Cimetière parisien de Thiais