Arguments à faire valoir pour le recours en grâce

Arguments psychologiques

  • Jeunesse de M., son hérédité. Rapport des psychiatres. Insister sur le choc psychologique de la découverte du vice de son père (à 16 ans il est obligé de chasser lui-même son père du domicile familial). Dès lors, il est seul dans la vie.
  • Insister sur un 2ème choc psychologique : amour brisé à 23 ans, sur les continuelles déceptions dans son travail, Id. Sur son mariage qui est en fait la conséquence de la reconnaissance d’un fruit., Id. Sur la séparation brutale, à son profit, d’avec sa femme en 1936.
  • Son enthousiasme irraisonné pour toutes les causes etc…
  • Le choc épouvantable de la défaite. Le retour à Paris. La trahison communiste (sous le signe du pacte germano-soviétique les Allemands protégeaient ouvertement ceux qui avaient aidé la Wehrmacht à pénétrer en France). La collaboration du Grand Orient et de l’Ambassade allemande etc…

Rectification des faits (affaire Grandmaison)

Rencontre avec Richard de Grandmaison. Là, préciser tous les points suivants qui n’ont jamais été établis à l’instruction mais à l’audience :

  1. C’est R. de G., officier du 2ème bureau, de son aveu officier de l’ORA, et de plusieurs autres services qui, en mission à Paris en 1940 après la défaite et chargé de recruter des agents propose à Mamy, qu’il connaissait depuis 1939, de travailler sous ses ordres. (M. avait écrit en collaboration avec G. en 1939 un scénario antihitlérien, Carlotta espionne nazie, déposée aux deux noms à la Sté des Auteurs de films).
  2. Rédacteur en chef à Au Pilori, sous le nom de Bruneau, Grandmaison fait entrer M. à Au Pilori et lui confie le soin de campagnes grossières contre la maç… collaborationniste pour gêner l’action de l’Ambassade qui patronnait le G :. O :.
  3. Grandmaison introduit M. dans les milieux collaborationnistes. C’est ainsi qu’ils suivent attentivement tous les deux le capitaine SS (haupstrumführer) Fromès dans les réunions bi-hebdomadaires se tenant dans les cafés parisiens où G. et M. viennent prendre des directives. Grandmaison fait là son travail d’officier du 2ème bureau. Mamy suit docilement, en observateur.
  4. Grandmaison pénètre dans les services allemands par la Comtesse Seckendorff [1], agent spécial d’Hitler et devient rapidement l’homme de confiance le mieux appointé du bd Flandrin, travaillant directement avec le Ct Borjo, adjoint du Colonel Knocken [2]. Il fait entrer plusieurs de ses hommes dans le service.
  5. De son côté Mamy est pressenti par Gueydan de Roussel qui l’amène à Bernard Fay et au lieutenant SS Moritz, chef des services antimaçonniques de l’avenue Foch. Grandmaison se réjouit de ce contact, ordonne à M. de rentrer dans les services, lui disant qu’ils vont faire équipe, mais qu’il convient que les Allemands ne soupçonnent pas trop leur liaison. Le mot d’ordre de Grandmaison est formel : Nous pourrons nous compléter ! Il ne s’agit pour l’instant que d’enquêtes politiques.
    Mamy travaillera dans les services de renseignement inférieurs. Grandmaison et ses hommes travaillent dans les services exécutifs. Grandmaison dit à Mamy « Je vois tous vos rapports». Mamy se prête au jeu. Comme il s’agit de gagner la confiance des SS, il faut surenchérir, devenir un nazi 120% (expression des services berlinois à propos de certains collaborateurs parisiens).
    Le contact entre Grandmaison et Mamy est permanent. Leur intimité s’est accrue. Ils se tutoient. M. fait toutes ses confidences à Grandmaison qui le pousse à toujours plus d’activité. À ce moment, Mamy découvre dans ses enquêtes des dépôts d’armes et groupes de combat. Il en fait part à son chef qui l’autorise à les signaler.
  6. Dès 1942, pour plus de sécurité, Mamy se fait couvrir officiellement par l’Amiral Platon à qui l’a adressé le Dr Ménétrel. Celui lui confirme son accord. Dès lors, Mamy s’estime absolument couvert par
    1. l’Amiral Platon, secrétaire d’État à Vichy
    2. Richard de Grandmaison, officier du 2ème bureau des SS bd Flandrin (et par d’autres agents qui sont dans le même service sous la direction de Grandmaison)
    3. Bernard Fay, conservateur de la Bbl Nat (pour toutes enquêtes maç :. seul).
    4. Gueydan de Roussel, secrétaire du précédent … qui est dans le service Wentzel, vérifiant Mamy dans ses voyages et s’occupant absolument des mêmes enquêtes et détections policières.
    5. le Commissaire Richard, agent du Cabinet du Maréchal à Paris, à qui Mamy passe toutes fiches sur les activités allemandes.
    6. la présence dans le service Wentzel d’autres fonctionnaires français, entre autres Jean Marquès Rivière est également un apaisement pour M. qui ne se voit entouré que d’hommes de valeur, accrédités et puissants, possédant des fonctions importantes dans les services de Vichy.
    7. dans les milieux collaborationnistes, Mamy ne rencontrait que d’anciens officiers de 14.18, tous as de guerre, brillamment décorés et connus, qui le félicitaient pour toute son activité. Entre autres, le Commandant Costantini, aviateur, croix de guerre, qui fut son directeur à l’Appel, le Colonel Bocher, le Colonel Bael, autre as de guerre, le Colonel Bordage -id, le Général Lavigne-Delville, l’équipe aristocratique du Pilori (trois des plus grands noms de la noblesse française). etc… etc…
      Mamy ne se sentait donc pas dans un milieu de traîtres, mais parmi des militaires et de toute une élite intellectuelle qui prétendait renverser la conception périmée d’une Europe déchirée par les nationalismes.
  7. Vers 1942, Grandmaison confie à Mamy quelques uns de ses dossiers pour éviter —dit-il— une perquisition allemande. Grandmaison se méfie des services de contre-espionnage allemand. Il est certain que les services se combattent entre eux. Un anonyme accuse G. de faire partie du 2ème bureau. Mamy lit les dossiers. Ils contiennent des renseignements généraux et de nombreux noms avec des activités particulières (résistantes ou autres). Mamy établit les siens dans le même sens. De même, il modélise son activité policière sur celle de Grandmaison.
  8. Mamy ne s’inquiète nullement des conséquences des renseignements fournis. Il s’estime couvert par celui qui travaille secrètement au-dessus de lui.
    D’autre part (Vichy et G.) on demande à M. beaucoup de besognes utiles :

    1. Diviser les partis parisiens
    2. Brouiller Doriot-Déat
    3. Faire éclater le projet de marche sur Vichy
    4. Brouiller les rapports des SS et de l’ambassade
    5. Révéler le scandale synarchique.
  9. En ce qui concerne les affaires policières, les accords passés entre Vichy et les SS prévoient l’utilisation par les Allemands des services et des agents français —ceci dans le but d’éviter les représailles sur les populations civiles ou sur les otages et de limiter l’action policière à la recherche des coupables— Grandmaison d’une part, Gueydan de Roussel de l’autre signifient à M. cette décision. Ils sont tous trois agents d’un double jeu qui opère à la fois contre les activités communistes dans la Résistance et contre les Allemands.
  10. En 1942, Mamy voit Grandmaison chargé des missions les plus importantes par les All : (Voyages en Afrique du Nord auprès du Gal Weygand, voyage au Portugal, missions à Vichy chez l’Amiral Vahy etc… l’autorité dég[agée] sur M. s’en trouve accrue.
  11. G, après un nouveau pseudonyme est devenu le beau Nosco Il fait passer à Mamy des papiers pour l’Appel. Mamy, qui est rédacteur en chef du journal (pendant quelques mois) les publie sur ordre de Grandmaison. Ces papiers sont des trucs parait-il à communiquer certains renseignements politiques de haute importance aux Alliés.
    Grandmaison, toujours sous le nom du beau Nosco passe au Matin où il devient le coadjuteur de Mr Brunau Vouillé. Son service aux SS du bd Flandrin est toujours aussi actif.
    Mamy est de son côté chargé par les Allemands des différentes missions contenues au dossier.
  12. Mamy en 1944 est un des Administrat du Cercle Aryen (secret. Gal Gueydan de Roussel). A une conférence sur la synarchie, Grandmaison vient accompagné du commissaire Berger, de la Sûreté Nationale de Vichy. Il présente M. en termes absolument probants. Mamy est félicité. Plus tard, à la libération, le commissaire Berger se révélera comme étant celui qui couvrira Grandmaison et son équipe du bd Flandrin.
  13. Jusqu’en mai 1944, les rapports entre les deux hommes resteront aussi étroits. Les événements se précipitant, Mamy demande RV personnel à G pour prendre les ordres. G le reçoit à son domicile particulier rue de l’abbé Patureau XVIIIè. Il esquive la demande de M. prétexte un voyage urgent et dit à M. qu’il le reverra dans une huitaine de jours, avec ordre de continuer la même activité.
    R de G. n’est jamais revenu.
  14. Dès lors, Mamy est livré à lui-même. Une véritable guerre civile sévit en province, sous la pression de l’occupant. Les Français s’entretuent. Mamy, dès ce moment jeté sans contrôle dans les services allemands, essaye de s’accrocher au commissaire Richard qui suit les directives de Vichy. Il s’engage, en dehors de Wentzel, dans une entreprise de liaison avec les Américains que tente d’établir le capitaine Skorzini (aujourd’hui libéré et agent spécial des américains). Richard donne ordre à Mamy de maintenir le contact le plus possible avec tous les services allemands, car on ne sait s’il faudra suivre les Allemands dans leur retraite —auquel cas, Mamy continuerait à renseigner Vichy par services spéciaux—, ou bien si l’on restera en France pour s’appuyer sur la Résistance de droite et tenter d’enrayer la manoeuvre communiste qui prétend s’emparer à la libération de tous les leviers de commande.
  15. Peu de jours auparavant, Richard et Mamy avaient les premiers signalé de toute urgence à Vichy (pour transmettre à qui de droit) le départ très secret d’une commission spéciale à Stockholm (manœuvre personnelle de Mr Laval ignorée du Cabinet du Maréchal) pour observer le rapprochement subit entre l’Allemagne et l’URSS. Quelques jours plus tard Déat lui-même l’annonçait à ses sections. Mais le coup était éventé, et pour la cinquième fois, les Américains purent éviter le renouveau du pacte germano-soviétique.
  16. En principe, Richard de Grandmaison a cyniquement abandonné Mamy à Paris. Il dirige un magasin à Vaudenesse (Allier). Mamy se confie à l’un des agents de G. resté en place Bd Flandrin. Pas d’ordres précis. Il semble qu’il faut continuer à jouer le jeu jusqu’au bout.
  17. C’est alors que le service Wentzel passe du renseignement à l’exécutif. Mamy se prête à des initiatives dangereuses (arrestation du jeune Noël, chef des jeunesses communistes qui entraîne celle de Borel, se prétendant chef de trois mille terroristes sur Paris, puis arrestation du jeune Guichamon possesseur d’un poste clandestin que Mamy situe mal à cause de son déguisement très prolétaire. Ce service allemand commet de lourdes fautes (arrestation du Gal Marchand sur un rapport futile datant de deux ans, où Mamy était largement couvert par Grandmaison, arrestation de Golandin, chef de Résistance Sud de la Région Parisienne, déjà détecté par les services allemands et où Mamy n’a qu’un rôle de comparse). Malheureusement ces arrestations suivies de déportations entraîneront des décès dont Mamy n’est pas directement responsable.
  18. Sur les dix affaires reprochées à Mamy, seules celles dont l’exécution fut postérieure à mai 1944 peuvent en réalité lui être complètement imputables. Pour toutes les autres la responsabilité de Grandmaison apparaît engagée puisque, selon ses dires, il avait la possibilité de les vérifier. En tous cas, Mamy lui faisait suffisamment de confidences pour que, s’il le jugeait utile, Grandmaison puisse prévenir les personnes visées. Cet officier du 2ème bureau avait pour tâche de sauver les Français de la répression. Il était particulièrement bien placé pour le faire. Mamy n’avait qu’un rôle secondaire. Contraint d’obéir, il exécutait sans comprendre.
  19. Un cas est typique entre autres : l’affaire Dufour à Bordeaux. Déjà signalé par un autre allemand Dufour révèle à Mamy une quantité énorme de possibilités d’actions policières. Un agent véritablement allemand aurait conservé le contact avec Dufour pendant des mois, et aurait réussi une rafle monstre. Mamy sentant le danger et observant strictement les ordres a réduit l’affaire au minimum.
  20. Là où la responsabilité de Grandmaison apparaît éclatante, c’est de n’avoir pas, en avril 44, ôté Mamy des services allemands, l’incitant au contraire de continuer son activité. Mamy, de bonne foi, s’est lancé à corps perdu dans une série d’actions de répression (dont Grandmaison lui aurait donné l’exemple) et qui aurait pu être facilement évitée. Mamy n’a jamais négligé un conseil de Granmaison qui pouvait le manœuvrer à son gré.
  21. Grandmaison l’a reconnu à l’audience et à l’instruction. « Je l’ai bluffé, roulé ». Le commissaire du gouvernement dont le réquisitoire a été modéré vu l’importance de fait, a convenu ainsi que Mamy n’avait été souvent qu’un instrument. Mr le Président Didier a démarqué avec une autorité implacable Richard de Grandmaison hier agent principal du SD parisien, aujourd’hui couvert par des chefs éminents de l’armée française qui, avec cynisme, ni conscience et peut-être plus encore, volonté secrète de nuire —à qui ? (il faudrait sur ce point ouvrir une enquête sur ses agissements louches)— a poussé Mamy dans des actions insensées qui l’ont conduit à la condamnation capitale.
  22. Aujourd’hui Richard de Grandmaison, principal coupable, est libre, encore en fonction, bénéficiant d’appuis scandaleux (Mamy aurait à ce sujet des révélations à faire). Mamy exécutant se débat péniblement contre les charges qui pèsent sur lui et tâche contre une presse déchaînée d’établir la vérité.
  23. Rappeler la sincérité de Mamy : constitué prisonnier, ses aveux, sa franchise, sa défense.

Responsabilité de Vichy dans les ordres donnés à Mamy

Mamy n’a jamais agi de sa seule initiative. Il a toujours été dirigé et couvert.

Quelles sont les directives qui lui ont été données.

  • De 1940 à 1941 : lutter contre les collaborateurs parisiens (communistes et franc maçonnerie). Éviter tout parti unique, toute menace de bloc politique contre le gouvernement du Maréchal (qui jouait ouvertement le double jeu : européen d’un côté, américain de l’autre)
  • À partir de 1941 : maintenir à Paris la même politique de lutte contre l’ambassade (Mamy est l’artisan de la brouille Doriot-Déat qui a réduit à néant les chances du parti unique).
  • Détecter dans la coalition dite « Résistance » l’emprise des communistes et des partis de la défaite qui voulaient revenir au pouvoir. Protéger l’Armée secrète, toute la Résistance « Nationale ». C’est pourquoi jusqu’au bout Mamy sera engagé dans l’action par le cabinet du Maréchal (Amiral Platon, commissaire Richard etc…).
  • Jusqu’en août 44 l’ordre est donné de maintenir la même politique. Mamy est mêlé à l’essai de remettre Mr Hériot au pouvoir (c’est Richard qui a été chercher l’ancien président du conseil et l’a ramené à Paris). Il fait partie d’un groupe qui coopère directement avec les Américains (groupe Skozini. Richard Skozini est aujourd’hui agent de renseignement très important en Amérique) . Il attend la décision résultant de l’entrevue des chefs de Vichy et du Général de Gaulle (par l’intermédiaire de l’attaché chez le prêtre des Équipes du Maréchal). Il passe aux Américains par le Cabinet du Maréchal tous renseignements pour prévenir la réédition très secrète du pacte germano-soviétique, etc…

Mamy n’a donc eu à l’intérieur des services allemands qu’une activité française, contrôlée, et dirigée par Vichy. Il ne s’est prêté à la répression que lors des derniers mois lorsque le sang coulait dans toute la France, et qu’à côté de lui des camarades tombaient, frappé par des adversaires acharnés. Il apparaît aujourd’hui que sous l’occupation la France a vécu les affres d’une guerre civile. Mamy qui rayonnait sur tout le territoire a vu tant de choses horribles —qu’il ne veut pas dépeindre— que son sens de l’action s’est trouvé dévié.

De plus, dès 1943, la confusion politique était à son comble. Les communistes avaient véritablement pris tous les leviers de commande du C.N.R. Mamy aurait suivi le général Giraud, si dès l’exécution de Mr Pucheu, les militants pétainistes ne s’étaient pas sentis implacablement rejetés dans la lutte de l’autre côté. Jusqu’au bout Mamy a cru que l’intérêt français était dans la jonction Pétain-De Gaulle. Il a agi en conséquence.

Arguments politiques

  • Voir si on peut dire que l’anticommunisme de Mamy, sa conception de l’Europe, son goût d’un régime fort ne sont pas plutôt le raisonnement d’un précurseur, que celui d’un homme abusé par la propagande ennemie.
  • Dire aussi que l’époque tend à la clémence, à la révision des procès politiques. etc…
  • Insister sur l’absence totale d’argent dans cette affaire. Idéaliste absolument désintéressé.

Arguments littéraires

  • Voir comment présenter l’affaire sous l’angle suivant :
  • Si Mamy est fusillé, on le reprochera à ses bourreaux presque dans un avenir impossible à limiter. Que laisse-t-il ? Des inédits soit, mais de valeur certaine puisque… (et là il faut des témoignages —voir Creyssel). Inédits nombreux : poèmes, 4 pièces de théâtre, un recueil d’essais, des pamphlets etc…
  • Rappeler les précédents [Chénier, Brasillach] : Un poète assassiné a toujours raison. Du reste etc…

[1] la comtesse Seckendorff, autrichienne et agent double connu sous le nom de Mercedes, réussira mystérieusement à échapper à la justice française et finira dans la peau d’une pairesse d’Écosse (note de FGR)
[2] Allemands et Parisiens relevaient de l’autorité du chef de la Kommandantur de Paris, logée à l’Hôtel Meurice, qui couvrait le territoire du « Gross Paris » (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne). Arrivés dès les premiers jours, une vingtaine d’hommes du bureau de la sécurité du Reich constituèrent un service regroupant la police criminelle, la police secrète d’État et le service de renseignement : ce sera, pour les occupés, la « Gestapo ». En octobre, ils seront deux cents SS, commandés par Helmut Knocken, qui deviendra le second de la Gestapo.