Mardi 8 Février 1949
Mon chéri,
Toute la journée, je me suis efforcée de sourire, parce que ta lettre de ce matin me disait : « que le sourire rend la mer plus bleue,.. enlève les chaînes des hommes —guérit les cœurs blessés… calme l’attente…réconforte l’espoir… ». Tout ça, c’est très joli, mais ça ne m’a pas empêché de voir ce soir sur le journal que « deux espions, déjà condamnés à mort en France, étaient jugés en Suisse… etc… etc… » ».
Ce n’est pas que je craigne le verdict des juges helvétiques. Je sais bien qu’on ne te fusillera pas deux fois. Mais tout de même, j’aurais préféré obtenir d’abord ta grâce. Tu finiras par me décourager avec ce dossier à surprises ! Mais peut-être ne s’agit-il là que d’une toute petite chose sans gravité, ne pouvant en rien influencer la décision que nous attendons ? Je le souhaite, et je l’espère, et je le crois. Je vais me renseigner là-dessus. Je vais aussi en parler à Leroy. Je crois, au fond, qu’il n’y a pas du tout à s’alarmer de cet incident (d’ailleurs prévu. Nous en avions déjà parlé. Et c’est tout à fait indépendant du procès français).
Donc, rien ne s’oppose à ce que nous continuions à sourire.
« Le sourire traverse les murs… atteint les cheveux sur l’oreiller… sait baiser les yeux doucement… ».
Vite que les nuages fondent. J’ai hâte de revoir le beau temps. Je t’embrasse fort. Mon chéri.
JR