Le F:. Marc-de-café

Au Pilori, 28 février 1941 (signé Paul Riche)

J’ai sur ma table un joli papelard qui émane de certaines administrations. C’est un tract cucu-anglophile, tiré à d’innombrables exemplaires —paraît-il— par les mains expertes de dame au cerveau de buse, qui « font » dans la politique internationale, au lieu de ravauder les chaussettes en souffrance de leurs époux. Ces dames et ces messieurs leurs collègues jouent au prophète, voui, voui ! Et au prophète anglais, tiens, tiens ! Ces petits hiboux volontaires de l’Inintelligence Service prévoient non seulement le temps qu’il fera demain, l’humeur de leur chef la semaine prochaine, les numéros sortants de la Loterie Nationale, et tout et tout, mais encore l’avenir de la France, pas moinsss ! Pour l’année en cours, eh ! Pourquoi pas ? Avec des dates, mois par mois, comme je vous le dis ! Jour par jour, exactement ! Il n’y manque plus que les heures ! ! ! Que j’en devienne podagre à l’instant si je mens !

Ah ! Mes concierges ! Oh ! Bonne Mère Sainte-Vierge, tenez-moi les côtes ! O rigolade, j’en crève ! Hi ! hi ! hi ! Ah ! ah ! ah ! Oh ! oh ! oh !

On a déjà vu dans ce pays, les ans passés, beaucoup de badauderies et de badauds. Et quand on dit badauderies et badauds, on est poli, on s’exprime comme un monsieur-tout-le-monde-très-bien, on joue à l’ancien premier communiants, on se rappelle qu’il y a des dames, on ne veut effaroucher personne, les oreilles chastes n’entendront pas ce qu’on pense, il faut rester lisible et décent, il y a des mots trop gros pour qu’on les imprime, nous n’irons pas au-delà de notre tact. Tenons-nous la bouche à deux mains. Rabelais ! Notre-Père Rabelais ! Pardonnez-nous notre délicatesse.

… Beaucoup de badauderies ! De badauds et d’archi-bourrés du cervelet, des gens dont toute l’existence se sera passé à croire désespérément à des utopies idiotissimes, navrantissimes, lamentablissimes, à des principes de carton-pâte, des armées sur le papier, des cuirassés de statistique, à des reportages juifs menteurs, mensongifères, mensongi-barbus, à du fakir Churchill, des albionades, des maçonnouilles, des américocasseries, du devin 39, du tarot 41, du démago-yankee 42, du valet de cœur de Gaulle, de la dame de trèfle Roosevelt, de la Russie qui joue son jeu, de l’Afrique qui remue l’orteil, de la magie youtre-océan.

Ah ! les … corbillons !
Dans mon Français moyen
Qu’y met-on ?
Du bourre-mou d’Albion.

Tout ça, c’est la faute au F:. marc de café

Le F:. marc de café nous a déjà annoncé depuis 1920 quelques mirages-miracles dont nous rappelons la liste à titre documentaire hilarant. De quoi se taper un peu le badaud par terre.

Au temps de la conquête de l’Éthiopie le F:. marc de café avait curieusement prophétisé la victoire du nègre Négus sur l’Italie armée jusqu’aux dents.

En avant, les grandes campagnes de « gôche » ! « Les sanctions » scandées en cadence par les bandes de yites qui encadraient notre jeunesse estudiantine, les saloperies et les chiquenaudes au fascisme qui avait osé lutter ( l’espouvantable bougre !) Contre l’anarchie intérieure et dissoudre (le premier !) les Loges maçonniques. Il nous arriva, rue de Puteaux, une centaine d’Italiens fumants, dégueulant leur rage d’avoir était fessés et purgés.

Six mois plus tard, le F:. Sarrault crachotent à par-dessus le Rhin des propos imbéciles, lors de la reprise de la Rhénanie par les troupes allemandes, le F:. Marc de café s’empressa de prophétisé la chute prochaine des nazis : par l’intérieur ! Qu’il va s’effondrer ! Le régime à Hitler ! Et vous verrez ce que vous verrez ! La Révolution, la vraie ! Fraternisation des peuples ! Et des popus ! Et des masses ! Tout par en bas ! Ah ! Ah ! L’avenir est à nous !

F:. Marc de café se refoutit dedans.

Un dimanche suivant, papa Chautemps s’en fut à la pêche. Le Sublime Prince du Royal Cocuage encaissa pendant son week-end la réunion de l’Autriche au Reich.

Pan ! Sur le triangle ! Et sur les médiums de la démocratie !

Le F:. Marc de café voulu se rattrapait sur la guerre espagnole ! Là, les Benêt-Badauds en prirent plein le crédule, jusqu’au bec. Ça rapporte, une guerre civile ! Ça se vend, les éditions « de dernière heure » ! Ça se monnaye, les « tubards », les chuchotis, les « confidentielles », les « je la tiens de quelqu’un qui est placé pour le savoir », les « Notre F:. Machin-Truc qui a été en Espagne nous dit que », les « Franco est vaincu, foutu, perdu, rasé, nettoyé, on n’en parle plus ! Matrid ne sera jamais pris. Je mise à vingt contre un pour les Républicains ! Il n’est pas possible que les rouges ne gagnent pas ! Le monde entier est contre Franco ! Des canons, des avions ! Encore quelques jours ! Et patatras ! Poum ! Poum ! Du Frente Popular, y en a pus ! »

Le F:. Marc de café avait foutu son camp avant les rouges.

Vint guéguerre 39.

On allait voir ce qu’on allait voir ! Jammy-Schmidt avait promis ! Daladier avait déclaré ! Gamelin, c’est un malin ! Paul Reynaud, c’est du costaud ! L’Angleterre et par derrière ! Nos enfants sont par devant, mais c’est pour la bonne cause ! Des Juifs, il y en a pas en France, et puis : défense de parler des Juifs, c’est mal élevé. Moi, le F:. Marc de café, j’interdis les conversations dangereuses ! Un homme en vaut un autre, d’autant plus qu’entre un youtre installé à l’hôtel Majestic, qui touche son fric sur les munitions qu’il vend, et un simple imbécile de pionnier français assis dans la mouise devant la ligne Capitalo-Maginot, il y a toute la différence d’un peigne-cul à un homme qui connaît la chanson des écus !

Et nous vaincrons, nom de nom, par ce que nous sommes les plus forts ! Pologne, Norvège, Belgique, Hollande et Sainte-Geneviève sont avec nous. Moi, le T:. Illustre F:. Marc de café, je vous le dis ! Nom d’un Mandel ! Allez vous faire tuer sans crainte ! Plus vite que ça ! Qu’est-ce que vous risquez ! Bande de dégonflés !

C’était l’année dernière !

Aujourd’hui, le F:. Marc de café n’a pas désarmé. Dans toutes les tinettes de la France verbeuse, le Tout-hier-petit-bourgeois-badaud-cocu-content se repasse du bobard à la tonne !

Le F:. Marc de café nous annonce donc l’année qui vient ! Comique et triste ! Cette pestilence maçonnique court les rues et les couloirs des ministères, fait bavasser les fonctionnaires, les dames têtues et tortues, le populo pas dessoûlé, fait se gratter les démangés de la démago, les républicains jusqu’à l’os, ceux qui vivent du suffrage universel, et ceux qui en crèvent — une date s’inscrive sur les calepins des bluffés par avance, des imbéciles mangés tout crus par l’Anglais-Juif-Américain, tous les Foutus-son-camp de juin dernier, encore furieux de leur frousse, qui râlotent la pouillerie de leur hargne.

Ils le sauront leur châtiment, mes potes ! Plus tard, leurs enfants lors peindront la barbe en toutes couleurs, on leur fera copier le verbe : « Je suis madame l’Autruche qui, la tête dans le sable, regarde les choses avec son croupion », et ils finiront leur existence coiffés d’un bonnet d’âne jaune juif, aux armes dégoulinantes de croix de Lorraine, avec cette inscription : « Poire cocue ! »

Paul Riche