Au pilori, 17 avril 1941, signé Paul Riche
« ON » avait résolu de résoudre la question juive. Contraint ou de bon gré, « ON » veut prendre des mesures, modifier le décret sur les Juifs, le compléter, l’orner, l’agrémenter, le fignoler, en faire une loi, un de ses joyaux parfaits que l’histoire recueillera plus tard comme le modèle définitif de la haute pensée de l’an Vichy 41, que les maîtres d’école encadreront, que les maires feront gravés sur les panneaux des édifices publics, et qu’un jour le nouveau Grand Orient de France, enfin ressuscité, fera distribuer en brochure de propagande avec, sur la couverture tricolore, l’étoile juive à six branches, entourant la francisque celte, orné de cette dédicace : « France, terre bénie des juifs ! ».
D’abord, devrait-il y avoir une question juive en France ?
À vrai dire, nous ne la connaissons que par ce que nous y sommes forcés. Nous préférerions ne point la connaître. Pour nous, elle n’est que question aryenne, latine, celte, gauloise, française, régionale, savoyarde, auvergnate, provençale. La question juive ne devrait regarder que les Juifs. Nous ne sommes pas Juifs, Dieu merci. Trouvons nos solutions.
Mais « ON » nous empêtre avec la question juive. « ON » nous dit qu’en France, il y a des Juifs, il faut qu’il y en ait, il doit y en avoir, ils y sont venus, donc ils y doivent rester, non seulement y rester, mais s’y assimiler ; ils l’ont déjà fait, paraît-il ; il n’est plus besoin que d’avaliser cette assimilation, que d’entériner la décision, que de les reconnaître de notre sang, que d’établir quelques discriminations superficielles !…
Qui « ON » ? Quel est ce « ON » ? Cette puissante émanation impersonnelle de l’autre zone, cette entité prépondérante, qui, par delà la barrière protectrice de la ligne de démarcation, dissimule la couleur de son mufle, nous impose sa loi capricieuse, nous souffle son haleine emboucanée, crachote vers nous une bave teintée de modérantisme, pleine d’une onction mi-domestique, mi-hargneuse, nous suppliant et nous toisant à la fois, superbe et larmoyante, sadique Hérodiade, et pitoyable Marie-Madeleine !
« ON » est judas souriant, apeuré, méfiant, aimable, terrifié, anxieux, insolent, timide, audacieux, puant, servile.
Car M. X. Vallat était l’homme tout désigné qu’ « ON » pouvait supposer capable d’imposer ici une théorie longuement mûri dans les Kahals et chez les rabbins de notre station thermale déguisée en capitale. Nationaliste, d’extrême droite, mutilés de guerre, M. X. Vallat réunit, en apparence —croyait-« ON »— toutes les qualités qu’il faut pour apporter aux antijuifs les apaisements légitimes, donner des assurances pour l’avenir. Arranger l’affaire de la question juive !
La méthode est adroite. Elle ne nous étonne pas. Nous nous y attendions. Nous voyons bien comment, d’autre part, la Maçonnerie fait défendre ici ses idées par des individus, d’éloquence incontestable, qui semblent vierges d’attache directe avec la secte. La juiverie fait mieux encore. Ces ambassadeurs sont plus imposants, d’allure plus authentiquement nationale. On se tromperait sur leurs motifs réels. Leur autorité personnelle aurait pu nous ébranler.
Nous ne voulons pas en perdre un point. Tous les arguments que M. Vallat a fait franchir à la ligne de démarcation nous semble si biologiquement intéressant, si digne d’examen microscopique, que nous tenons à les préciser avec minutie.
Par conséquent, toute la suite d’arguments dont use M. Vallat et qu’« ON » a mis tant de mal à rédiger à Vichy s’écroule du seul fait que qu’il est impossible de juger la question juive selon l’angle national, c’est-à-dire suivant la notion d’un État fictif, où les individus se coagulent sur un sol, mais qu’on doit la juger selon l’angle racial, c’est-à-dire selon la conception d’une Réalité spirituelle et biologique, où les individus expriment une âme collective innée. Nous sommes une nation « blanche » et non une nation « métissée ».
Que vient faire M. Vallat dans cette affaire ?
Nous voulons — pour le bien de notre pays— que tous les Juifs soient dépouillés à jamais de la nationalité française. Nous voulons qu’ils soient chassés de la métropole et de l’Afrique du Nord. Nous voulons reprendre leurs biens, à nous volés, et les redistribuer aux Français.
Paul Riche