Son enfance

Une enfance libre et heureuse

Il parcourait à vélo les alentours de Chambéry qui lui ont laissé des souvenirs merveilleux qu’il décrit avec un style remarquablement fluide et imagé —on sent le scénariste dans ce style, car l’ouvrage se projette en images animées sur l’écran au fond du cerveau du lecteur au fil des phrases— dans son roman autobiographique L’Enfance sous les armes qui illustre sa vie jusqu’à la fin de la Grande Guerre, la Der des Der.

Il vit la guerre de 14-18 en jeune-homme, adolescent. Ses camarades, à peine plus âgés, sont soldats, vont dans les tranchées. Certains n’en reviennent pas, d’autres reviennent blessés, mutilés, gazés. L’un d’eux sera déclaré mort, mais pas pour la France. Réfractaire, mutin ou déserteur, il a été fusillé, par les Français. Jean déteste la guerre. Jean est pacifiste.

Un père compliqué

Alors qu’il est sain et droit, il souffre de constater que le couple de ses parents est déchiré par la « nullité » et l’égoïsme de son père, pourtant bel homme quand il avait séduit Marie-Joséphine Tardy qu’il avait épousé le 22 octobre 1900 à Chambéry, mais qui a bien changé au retour des tranchées. Il souffre pour sa mère qui l’adore et qu’il adore.

À 17 ans, il « vire » de la maison son père alcoolique, Charles Mamy, et libère sa mère, Marie. La description qu’il en fait dans l’un des derniers chapitres de son roman autobiographique, L’Enfance sous les armes, est éloquente comme en témoigne l’extrait ci-dessous :

Va-t’en

Charles est rentré depuis trois mois. Il couche sur le lit pliant de la salle à manger, l’ancien petit lit de Jean, qui occupe dans le salon un autre lit, loué pour la circonstance. Marie ferme sa porte à clé tous les soirs. Non seulement Charles ne dessaoule pas, mais il est encore couvert de poux, comme là-bas. Répugnant. À ne pas approcher de deux mètres, tant il sent le vin et la crasse. Tant qu’il est à la maison, il pleure.

[…]

Un matin, à la suite d’une scène de larmes plus violente que les autres, Jean a pris sa décision. Il est allé louer une chambre d’hôtel, près de Saint-Germain des Prés. Puis il a fait un paquet des affaires de son père. Il l’a descendu chez la concierge. Il a loué une voiture à bras. Et il est remonté chercher notre démobilisé, entre deux vins.

    • Suis-moi.
    • Où ?
    • Tu verras bien.

Le père suivit, bon gosse. Chez la concierge, il lui mit le paquet dans les bras.

    • Prends ça.
    • Qu’est-ce que c’est ?
    • Tes vêtements.
    • Pourquoi faire ?
    • Va-t’en !
    • Charles rougit, jusqu’au cramoisi.
    • C’est toi qui ose me dire ça
    • C’est moi ! Va-t’en !
    • Te rends-tu compte que tu parles à ton père ?
    • Je me rends compte de bien d’autres choses. Va-t-en !C’est dans ton intérêt.
    • Quel intérêt ?
    • C’est peut-être le seul moyen de te raccommoder avec maman, si tu te corriges.

Tête basse, Charles céda à l’argument. Il porta le ballot jusqu’à la voiture, se mit dans les brancards. Jean l’accompagna jusqu’à l’hôtel. La route fut longue. Charles ne rentra jamais à la maison. Jean le revit peu pendant six mois. Puis se brouilla définitivement avec lui, un jour de l’an qu’il était venu lui souhaiter le bonjour.

[…]

Deux ans plus tard, sur un lit de l’hospice de Brévannes, Charles mourait de vingt ans d’alcoolisme et d’une attaque de gaz à Verdun en 1917. Il avait été totalement inutile.