Au moment de son procès, Jean Mamy mesure qu’il aura à faire face à de nombreux témoins, surtout des témoins à charge, mais aussi quelques témoins qu’il estime devoir lui être favorables.
Il dresse une liste commentée de ceux qu’il connaît et la transmet à son avocat sur deux feuillets recto-verso manuscrits.
Témoins à charge
Les quelques témoins à charge qu’il identifie sont :
1°) Jean Guilhamon qui va témoigner que j’ai fait déporter son frère en Allemagne (le frère était agent du contre-espionnage français et possédait un poste émetteur). Il faisait partie de l’équipe de Cottoni.
2°) Borel qui va témoigner que j’ai assisté à son arrestation, provoquée par arrestation de Jean-Paul (v. ci-dessous), puis à son interrogatoire rue des Saussaies. Je l’ai menacé. Il fut déporté. Il s’évada du train. Il était membre de cellule communiste. On trouva chez lui des tracts. Il appartenait à l’équipe de Champeaux de la Boulaye (Commandant Cambon), chef de maquis qui m’arrêta après la Libération.
3°) Champeaux de la Boulaye qui témoignera que je l’ai détecté pendant plusieurs mois. Toutefois, je ne l’ai pas fait arrêter parce qu’il était anticommuniste et officier de l’Armée française.
Quand il m’a arrêté, il m’a pillé et a volé 40.000 frs chez ma mère. Son groupe dirigé par D’Orsini a vidé mon appartement. Environ 200.000 frs de vêtements et de livres ont disparu, ainsi que chez ma secrétaire, Mlle Roux.
4°) Michaux qui témoignera que je l’ai détecté pendant plusieurs mois. Je ne l’ai pas fait arrêter pour les mêmes raisons (anticommuniste et officier de l’Armée française, selon les ordres reçus de Platon).
C’est lui qui m’avait présenté Champeaux de la Boulaye et Guilhamon.
5°) Peut être la femme d’un certain Jean-Paul [Noël] (arrêté par moi place Jussieu) et emmené rue des Saussaies. Témoignages des gens du quartier.
Jean-Paul fut trouvé distributeur de tracts scandaleux. Article de tête : Le devoir de tuer. Il fut déporté. Le tract est dans mes dossiers à la ST, chez inspecteur Feinte.
6°) Villard : secrétaire du Grand Orient qui dira les rapports qu’il a reçus de savoir sur le fait que j’aurai enquêté contre le maquis en me servant de mes facilités maçonniques. On tentera de me mettre sur le dos des arrestations, mais non seulement ce n’est pas prouvé, c’est au contraire faux.
Villard est un témoin facile à réfuter.
À part cela, il y a mes aveux complets. On verra si l’enquête fait lever de nouveaux témoins.
Cottoni, Pouzelgues (les toucher par Mercier) connaissent directement Guilhamon.
Chapeaux de la B. (le faire toucher et lui dire qu’on ne parlera peu de ses pillages, qu’il intervienne auprès de Borel et de…) connait Michaux et Borel.
Il faut donc toucher C. et P. qui décideront de la suite à donner.
Témoins à décharge
Il semble problématique de trouver des témoins à décharge.
1°/ Grandmaison (lui dire que je le fais citer comme témoin à décharge) qu’il confirme que je travaillais au SD par ordre de Vichy (Platon, Ménetrel). Il le savait.
Qu’il confirme tout le travail fait par moi contre l’ambassade allemande (F. Maçonne) et contre Déat. Il savait que mon rôle était de lancer les SS contre l’ambassade et contre la franc-maçonnerie collaborationniste parisienne.
Qu’il confirme que je lui passais tous les renseignements utiles pour lui dans le sens nationaliste français.
2°/ Richard commissaire (voir sa femme. Écrire à Margency (S&O), Mme Richard. Pour la convoquer, la rencontrer et qu’elle voit son mari à ce sujet. Je crois que Richard est encore rue Cambacérès).
Qu’il confirme
a) que je travaillais aux ordres de Platon et de Ménetrel (c’est lui qui m’a présenté Ménetrel en 1941)
b) que j’étais au SD (avenue Foch) par ordre de Vichy (il le savait. Il savait que je passais les renseignements. Il connaissait mon activité policière et approuvée de Vichy)
c) Que je lui remettais régulièrement des rapports et des renseignements pour Ménetrel (Il était ma liaison principale)
(lui demander s’il veut bien témoigner). On peut lui expliquer très exactement la situation. Il fera l’impossible pour moi.
3°) Bernard Faÿ (Trouver adresse Dammarie et à Drancy. Voir sa secrétaire, Mlle Champetier de Ribes qui répond quelquefois au téléphone de B. Faÿ, sinon par SVP)
Qu’il confirme
a) Mon activité contre Déat
b) Les renseignements que je lui fournissais fréquemment sur les milieux allemands pour les transmettre à Vichy.
c) Mon attitude nettement française et anti-ambassade allemande
4°) Père Gorce, couvent des Dominicains, rue du Fbg St Honoré (je crois que c’est le 22). Le voir. Lui parler de la situation. Que peut-on faire ?
Il faut tâcher d’intervenir auprès de Cottoni et d’Olini [nom peu lisible].
1° pour retarder le plus possible, 6 mois s’il le faut
2° pour éviter les témoignages à charge
Un drôle d’oiseau
Le premier de ces témoins à décharge, Richard de Grandmaison, ne lui sera pas vraiment favorable. Dans son deuxième essai politique fondamental, Vers l’altruisme autoritaire, Jean Mamy décrit avec son style de scénariste et de cinéaste et avec sa plume unique comment le sieur Grandmaison s’est comporté lors du procès et il raconte « sa » vérité sur ses relations pendant l’Occupation.