JR à JM (49/02/25)

 

Vendredi 25 Février 1949

Mon chéri,

J’ai reçu tout à l’heure un coup de téléphone de cet excellent petit homme qui, avant de partir, a voulu me donner de tes bonnes nouvelles. Il s’embarque demain matin, et me dit vous avoir fait hier une longue visite. J’imagine qu’il doit laisser de grands regrets parmi vous tous. Il est d’une bonté et d’une bonne humeur réconfortante. Moi-même, depuis son coup de téléphone d’adieu, j’ai l’impression de me trouver un peu plus abandonnée encore.

Je m’ennuie. Non pas que les nouvelles soient plus mauvaises. Au contraire. Je sais qu’on veille sur toi comme il convient. J’ai même si confiance dans le résultat final que je souhaiterais —si je ne savais que ton désir est différent— que la décision soit tout de suite prise.

Je n’ai pas peur du tout. Mais je m’ennuie quand même. Et je voudrais surtout que tu n’en paraisses pas surpris.

Tu m’as écrit une très jolie lettre cette semaine. Mais ça ne me console pas. Et je suis triste parce que mes cheveux vont blanchir trop vite. Et tu tardes trop à rentrer. Tu n’as rien dû comprendre à ma dernière lettre. Je t’accusais à tort. Je n’ai su que tout à l’heure qu’il y avait eu un retard de 7 jours.

Quelles nouvelles pourrais-je te donner ? Je ne sais pas grand chose… qu’on parle de supprimer, en juin, les Cours de Justice ?… Voilà qui ne nous intéresse plus guère.

J’ai su que tu étais actuellement chez le Garde des Sceaux. J’en ai aussitôt informé Leroy, afin qu’il fasse les démarches nécessaires. Je continuerai à lui téléphoner de temps en temps. Mais, sois tranquille, il ne te perd pas de vue.

Je viens de penser pour toi un tas de choses aimables. Mais…censurées. Veux-tu bien les deviner. Et en ressentir tout le bonheur dont je voudrais t’entourer.

Gros baisers, Mon Chéri.

JR