Confession volontaire
Jean Mamy se constituera volontairement prisonnier le 23 septembre 1944 en se rendant au Commandant Cambon (Denis Champeaux de la Boulaye) qui lui avait tendu plusieurs souricières et avait arrêté sa mère et sa femme, Barbara Val.
Jean Mamy décidera de son propre chef de se livrer à une confession complète dont le texte, tapé à la machine, est daté du 1er octobre 1944.
Il sera interrogé pendant plusieurs jours puis incarcéré à la prison du Cherche Midi.
La prison du Cherche-Midi fonctionna de 1847 à 1950 et fut démolie en 1966. Elle se situait à l’angle du boulevard Raspail et de la rue du Cherche-Midi.
Il sera ensuite emprisonné au Fort de Charenton, puis transféré, fin janvier 1945 à Fresnes où il sera enfermé en préventive jusqu’à son procès en décembre 1948.
Dès sa condamnation, il sera mis aux fers dans une nouvelle cellule au quartier des Condamnés à Mort.
Quatre années et demi en cellules à Fresnes
Dans sa lettre à ma mère du lundi de Pentecôte (21 mai 1945), il annonce qu’il vient de changer de cellule et il en décrit les conditions : « Nous sommes trois dans une cellule de 4 mètres sur trois. Deux sur des paillasses à terre, un autre sur ce qu’on appelle un lit, et qui est aussi dur que peut l’être un treillis de lames de fer. Au mur, une bonne couche de plâtre moisi. Dans un coin, l’appareil d’hygiène qui sert à toutes les commodités, surmonté d’un distributeur d’eau. La porte, verrouillée comme il se doit, possède un œilleton par où le gardien ou les camarades de passage nous regardent de temps à autre.
J’écris sur une tablette de bois accrochée au mur où sont empilés quelques cahiers et livres, et la rangée de mes encriers vides. J’ai beaucoup de mal à garder mon équilibre car mon tabouret est branlant. Par la fenêtre largement ouverte sur la cour, nous apercevons le ciel bleu ou gris ou pluvieux, qui couvre de son espace libre le bâtiment d’en face où s’incrustent dans la muraille quelques deux cents fenêtres grillagées comme les nôtres. En bas, de petites courettes encloses de murs et grilles où— l’on nous emmène tous les deux jours à la promenade. A l’intérieur, la prison a l’air d’une gigantesque nef de bateau ou d’un énorme frigidaire. Quatre étages de passerelles qui courent le long des cellules. Nous sommes là-dedans quatre mille cinq cents détenus politiques dont quelques uns de marque. »
Écriture et lecture sont probablement ses deux occupations principales.
Épistolier prolifique
Pendant les quatre premières années, jusqu’à son procès, il a droit à une ou deux lettres d’une seule feuille recto-verso par semaine. Il écrit d’une seule traite, sans la moindre rature, d’une écriture régulière qui couvre au maximum les quelques centimètres carrés de papier auxquels il a droit, jusqu’à revenir au recto de pour conclure par le mot d’amour et les baisers qui le démangent.
Après sa condamnation il aura alors droit à une lettre quotidienne.
Sa correspondance avec sa mère, son fils, son avocat, quelques amis, mais surtout avec ma mère est passionnante. J’ai retrouvé tous les originaux des lettres hebdomadaires à ma mère de 1945 à 1949 que j’ai saisies une à une et qui me permettent de suivre, presque jour par jour, comment il a vécu sa détention.
Chacune de ses lettres est soigneusement lue pour vérifier qu’elle ne contient pas le moindre message interdit par le réglement, puis tamponnée par la censure avant expédition.
Il a droit à un colis hebdomadaire que sa mère et la mienne constituent avec amour en respectant les souhaits qu’il manifeste, parfois de manière un peu exigeante, dans ses courriers. Le contenu de ces colis est passé au peigne fin par ses geôliers qui vérifient que les règles strictes sont respectées.
Il a également droit à un « parloir » par semaine et il lui faut jouer d’une diplomatie parfois autoritaire pour les répartir entre les trois femmes qui se le disputent en privilégiant celle qu’il aime et qui est aussi la secrétaire dévouée et efficace qui lui est indispensable, que ce soit pour mettre ses œuvres au net ou pour être le relai avec ses avocats et ses amis de l’extérieur. (cf. lettre à ma mère du 4 juin 1945 :: « PS. Arranges-toi avec ma mère. D’ici peu de temps j’essayerai d’obtenir qu’elle vienne seulement tous les quinze jours. Tu pourras venir avec elle. Ne lui en parles pas. J’arrangerai cela. »)
Bien que je n’avais que trois ou quatre ans, j’ai un souvenir précis, une image bien ancrée dans un coin de ma mémoire : un escalier carré, une salle sur la droite, une rangée de portes sur la gauche, puis un grillage avec un homme derrière qui m’a parlé, alors que j’étais assis sur les genoux de ma mère face au grillage.
Écrivain talentueux
Il profite de son « temps libre » et de son talent d’écrivain pour produire de nombreuses œuvres, des pièces de théâtre, des poèmes, des contes, un roman autobiographique, des essais satyriques et philosophiques, son testament politique, son qu’il peaufinera à l’extrême en profitant de la patience de ma mère qui tapera et retapera les centaines de pages qu’il n’aura de cesse de corriger et de recorriger.
Dévoreur de livres
Jean Mamy lit énormément. Il ne cesse de demander à ma mère de lui procurer des dizaines d’ouvrages qu’elle arrive à dégotter chez les bouquinistes,
Et pendant ce temps là, l’instruction continue…
De temps en temps il quitte Fresnes pour une confrontation ou un interrogatoire
7 mai 1945 : nouvelle adresse : cellule 290, 2° division, n° ordre 4407
21 mai 1945 : nouvelle adresse : cellule 393, 2° division, n° ordre 4407
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