JR à JM (49/01/23)

 

Dimanche 23 janvier 1949

Mon chéri,

Tu auras eu de mes nouvelles ce matin, et tu auras su que si je ne t’écris pas, c’est que j’emploie mon temps à faire toutes les démarches qui me paraissent devoir t’être utiles.

J’ai vu Me Leroy vendredi soir. Nous avons longuement parlé de toi et je lui ai fait part de toutes mes petites idées, qu’il n’a pas jugées trop folles. Il te verra, sinon aujourd’hui, du moins lundi ou mardi et te dira où nous en sommes de nos démarches. J’ai vu mes amis (plus exactement l’un d’eux, l’autre n’étant pas de retour d’Amérique). Il m’a vivement conseillé une démarche dont Me Leroy te parlera. Tu peux aussi compter sur toute l’affection qu’a pour moi mon ami aviateur. Je l’ai vu cette semaine, et il m’a promis une visite directe. Quant à mon jeune patron, il n’est pas de jour où il ne passe à son ancien bureau. Je ne t’en dirai pas davantage. Sache seulement qu’il est d’un dévouement illimité, qu’il m’estime énormément, et qu’il entend convaincre tout le monde que toute peine doit m’être évitée.

J’ai de plus en plus confiance. Heureusement ! Car s’il n’en n’était pas ainsi, à quoi me servirait-il d’apprendre seulement aujourd’hui que « c’est sur J.R. que tu bâti toute la vie possible une fois le cap franchi.. .». Avoue que tu y as songé un peu tard. Mais, je le répète, j’ai confiance. Et tu sais que je ne prononce pas là des paroles en l’air. Ce n’est pas pour te rassurer (tu n’as pas besoin de ça). Ce n’est pas pour m’illusionner moi-même. (Je ne mets pas la tête sous l’aile pour ne pas voir le danger —il y a mieux à faire pour l’éviter—) Mais j’estime que nous avons en main de bons atouts. Tu verras, nous gagnerons la partie.

Et de là, à pouvoir embarquer tous les deux (tous les trois)… (tous les quatre, car, entre les quelques heures qui sépareront la libération du départ, Catherine se sera peut-être déjà manifestée) il n’y a qu’un pas. Nous serons très heureux.

J’ai reçu une lettre très affectueuse de ton ami Phil [1]. Je lui répondrait un de ces jours. Je dîne mardi soir avec le petit bonhomme. Et je vais aussi, la semaine prochaine, téléphoner à Géran [2].

Je compte bien te lire mardi matin. Peut-être à cette heure-ci (18h) es-tu toi-même en train de m’écrire. Dis-moi surtout si je puis faire davantage pour toi. Le mandat te suffit-il ? J’en mettrai un de même somme demain lundi, mais s’il est insuffisant, dis-le moi. Si tu estimes qu’il faille faire quelque chose pour Leroy, dis-le moi également. Je gagne très bien ma vie en ce moment. J’ai beaucoup moins de frais pour toi, et je peux —sans que ça me gène— verser quelque chose à Leroy. Je ne lui en parle pas, bien sûr, mais penses-y. Il va te voir souvent. Les frais de déplacement sont énormes et le temps qu’il te consacre mérite d’être rétribué largement. Penses-y, et n’hésite pas à m’en parler.

Gros baisers.

JR

[1] Philibert Géraud (note de FGR)
[2] André Géranton (note de FGR)